INTERVENTION
- Question écrite adressée à Mme Nicole FAREATA-SANQUER Ministre de l’Éducation, de la Jeunesse et des sports, en charge de l’Enseignement supérieur (MEE)
- Objet : : Agrégation de reo tahiti.
DOCUMENTS
Madame la ministre, Ia ora na,
« La vigueur d’une langue se mesure à l’aune du nombre de ses locuteurs. »
Le recensement général de la population polynésienne réalisé en 2012 par l’ISPF a révélé que sur une population totale de 268 207 habitants :
-23 % des personnes âgées de 15 ans et plus déclaraient parler le tahitien en famille alors que 70 % affirmaient parler le français ;
-42 % des personnes âgées de 70 à 79 ans,
23 % des 40 – 49 ans et 11 % des 15 – 19 ans, résidant à Tahiti et Moorea, parlaient couramment une langue polynésienne Ainsi, force est de constater que les langues polynésiennes si elles sont encore parlées par nos anciens, le sont moins par la génération intermédiaire et pratiquement plus par ces deux îles regroupant les trois quart de la population polynésienne. Il s’agit du tahitien, austral, ra’ivavae, rapa, mangarévien, pa’umotu, marquisien d’après l’atlas des langues polynésiennes de Jean-Michel Charpentier et Alexandre François. les jeunes.
Selon les critères de l’Unesco, elles sont en danger d’extinction dès lors que :
elles ne sont plus parlées par toutes les générations et la transmission intergénérationnelle est interrompue ;
le nombre absolu de locuteurs est restreint et diminue par rapport à la population totale ;
la majorité de la population préfère utiliser la langue dominante ; en l’occurrence ici le français.
Ces données sont corroborées par les constats alarmants faits en septembre 2015 par un enseignant- chercheur en linguistique océanienne à l’Université de la Polynésie française (UPF), M. Jacques VERNAUDON, et par l’ancien directeur de l’Académie tahitienne, le regretté John Taaroanui DOOM. Tous deux appréhendaient à juste titre que « si on ne fait rien, dans une génération nous aurons affaire à une langue morte », en parlant de la langue tahitienne.
C’est dans ce contexte linguistique polynésien moribond que survient l’arrêté du 15 mars 2017 modifiant les sections et les modalités d’organisation des concours de l’agrégation.
Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a :
inséré une nouvelle « Section langues de France » regroupant en option, les langues régionales suivantes : basque, breton, catalan, corse, créole, occitanlangue d’oc, tahitien et ;
fixé les modalités des épreuves d’admissibilité et d’admission de ces « langues de France ».
Paru au Journal Officiel de la République française le 23 mars 2017, les dispositions de cet arrêté prennent effet le 1er septembre 2017. Cet arrêté représente incontestablement une « reconnaissance symbolique forte » du tahitien, la langue polynésienne la plus parlée en Polynésie française.
Il résulte de la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École du 8 juillet 2013 qui prévoit l’apprentissage d’une langue vivante, étrangère et régionale, dès le cours préparatoire, en réponse aux résultats alarmants des élèves français qui arrivent en dernière position de l’ensemble des élèves européens pour la maîtrise des compétences attendues en langues vivantes en fin de troisième.
Or, plus l’exposition et l’apprentissage d’une langue vivante est précoce, plus les progrès en la matière sont avérés. Cela s’applique à la langue tahitienne. Si l’on en croit le rapport annexé à cette loi, cet enseignement favorisera le bilinguisme français-tahitien dès la maternelle ainsi que « la fréquentation d’œuvres et de ressources pédagogiques » en langue tahitienne « dans les activités éducatives durant le temps scolaire et les temps périscolaires et extrascolaires ».
Selon les termes du Professeur des universités Bruno SAURA interviewé par TNTV le 27 mars 2017. En Polynésie, l’ouverture de l’option en tahitien va permettre aux professeurs titulaires du master ou du CAPES de tahitien de concourir à l’agrégation.
Mais l’échéancier retenu prévoit que les concours à l’agrégation de tahitien et de créole ne seront effectifs au mieux qu’à partir de la rentrée 2020 alors que les concours d’agrégation de breton, de corse et d’occitan auront lieu dès la rentrée 2018 et ceux des langues basque et catalane en 2019.
Ce délai excessivement long pour l’agrégation de tahitien a motivé l’appel lancé le 27 mars 2017 sur TNTV par le Professeur Bruno SAURA de l’UPF, président du jury du CAPES tahitien, afin qu’elle soit effective rapidement d’autant qu’il existe selon lui « un vivier potentiel de dizaines de personnes qui peuvent se présenter à cette agrégation ».
Madame la ministre, suite à cette « reconnaissance symbolique forte » de la langue tahitienne par la France :
Quelles modalités mettrez- vous en œuvre pour une élaboration diligente du programme du concours d’agrégation de tahitien ?
Envisagez-vous d’effectuer des démarches auprès du ministère de l’éducation nationale afin de réduire les délais de mise en place ?
Combien de postes de professeurs agrégés en tahitien prévoyez-vous de créer dans les prochaines années dans nos collèges et lycées ?
Par ailleurs, pour favoriser le bilinguisme tahitien-français dès la maternelle :
Pensez-vous majorer le nombre hebdomadaire d’heures de tahitien par rapport aux heures consacrées à l’apprentissage du français ?
Comment comptez-vous concrètement stimuler auprès des élèves « la fréquentation d’œuvres et de ressources pédagogiques » en langue tahitienne « durant le temps scolaire et les temps périscolaires et extrascolaires » telle que le prévoit la loi de refondation de l’école ?
Je vous remercie des réponses que vous ne manquerez pas de m’apporter. Mauruur
Mme Éliane TEVAHITUA