INTERVENTION
- Question écrite adressée à Mme Tea FROGIER Ministre du travail, de la formation professionnelle et de l’éducation, en charge de la fonction publique, de la recherche et de l’enseignement supérieur
- Objet : Recrutement des chefs d’établissements du second degré de Polynésie
DOCUMENTS
Madame la ministre, ia ora na,
Le 11 juillet 2017, la Commission de Contrôle Budgétaire et Financier (C.C.B.F.) de l’assemblée a examiné 13 projets d’arrêté portant nomination de 9 principaux de collèges et 4 proviseurs de lycées, transmis par lettre du président du Pays no 4031/PR du 27-6-2017.
« Curieusement » pour reprendre les termes d’un membre de cette commission, aucun(e) Polynésien(ne) ne figure dans cette liste de chefs d’établissements ; d’où sa question au responsable du département de la vie des écoles et des établissements de la Direction Générale de l’Éducation et des Enseignements (D.G.E.E.), pour savoir si « ce sont des postes qui ne peuvent pas être occupés par nos locaux ? » (page 1 du P.V.).
Pour expliquer l’absence de professeurs du second degré polynésiens à ces postes de direction, ce fonctionnaire d’État sous votre responsabilité a répondu que « la réalité du vivier actuel ne le permet pas » et plus loin, que « cela tient à cette difficulté qu’ils (les personnels d’origine polynésienne) ont à entrer dans un format où la langue et la complexité du métier… parce qu’en fait, on rentre dans des métiers qui deviennent complexes, puisqu’on est dans une analyse systémique par interaction permanente ». Sic ! (pages 1 et 2 du P.V.)
Madame la ministre, je laisse à votre appréciation la teneur et la portée des propos désobligeants de ce fonctionnaire soumis à un devoir de réserve et de neutralité.
Pour en venir au recrutement de chefs d’établissement du second degré, les candidats après réussite au concours d’accès, doivent avoir exercé pendant 3 ans exclusivement en France métropolitaine.
Sur la base de ces critères d’exercice léonins qui favorisent les candidats métropolitains, le ministère de l’éducation nationale effectue à Paris le tri des candidatures éligibles aux fonctions de chefs Page : d’établissement en Polynésie.
C’est dans ce « vivier » circonscrit par l’État que le ministre polynésien de l’Education recrutera les futurs chefs d’établissements scolaires du second degré de Polynésie. Ainsi les personnels polynésiens qui réussissent le concours de chef d’établissement « doivent automatiquement aller en France faire leur premier séjour, leur premier poste … Il faut faire minimum 3 ans sur un poste avant de pouvoir demander sa mutation. » (page 1 du P.V.)
Or, il est de notoriété publique que les fonctionnaires d’État polynésiens détachés en métropole dans le cadre d’une promotion ou d’une formation à l’issue d’un concours, voient leurs salaires désindexés et ne disposent d’aucune assurance de rentrer exercer au fenua.
« Une fois qu’ils arrivent là-bas, ils se retrouvent dans l’impossibilité d’être réaffectés ici. Pour certains, ça fait neuf ans. Et pourtant, la loi Érom (égalité réelle outre-mer) vient de passer et confirme tous ces éléments-là, mais dans les faits, rien ne se passe. Exercer à Dunkerque ou dans le 93 ne va rien leur apporter par rapport à la spécificité de la Polynésie. Et surtout, ce n’est pas ce qu’on leur avait dit au départ. Ils sont quand même 250 ! » affirme le député Moetai Brotherson dans la Dépêche de Tahiti du 18 juillet 2017.
Quant aux rares chefs d’établissement polynésiens revenus de métropole, ils « disent le coût qu’il y a eu : un coût familial, éventuellement séparation ou alors, il faut pouvoir emmener son conjoint avec soi, sa famille et puis derrière, il y a des emprunts financiers ». (page 2 du P.V.)
Avec de telles perspectives défavorables et hasardeuses réservées aux personnels d’enseignement polynésiens en France métropolitaine, il est aisé de comprendre pourquoi la D.G.E.E. connait des difficultés à accompagner les candidats polynésiens « jusqu’au terme du concours et que lorsqu’on a entre 15 et 20 candidats au concours, on en perd un certain nombre en cours de route dans la préparation ». (page 2 du P.V.)
Mes questions sont donc les suivantes, Madame la ministre :
▪ Pour favoriser l’océanisation des postes de chefs d’établissement du second degré et sous réserve de réussite au concours national, avez-vous l’intention de négocier et obtenir du ministère de l’éducation nationale que l’accomplissement des 3 années de perfectionnement puisse se faire également au fenua ?
▪ Serait-il envisageable d’être rendue destinataire de la liste actualisée des proviseurs, proviseurs-adjoints, principaux, principaux-adjoints d’origine polynésienne exerçant actuellement dans les établissements du second degré ?
▪ Je profite également de cette opportunité pour savoir quelles mesures votre ministère compte mettre en application concernant le dispositif de mise en loge des candidats polynésiens aux concours du CAPES et de l’agrégation qui leur permettrait de concourir dans des conditions identiques à celles de leurs homologues de France métropolitaine ? (Cf question écrite de M. Jacqui Drollet et réponse de votre prédécesseurs du sus-référencées)
Je vous remercie d’avance, Madame la ministre, des réponses que vous ne manquerez pas de m’apporter. Mauruuru.
Mme Éliane TEVAHITUA