INTERVENTION
- Question écrite adressée à M. le président de la Polynésie française
- Objet : Importation et utilisation de pesticides
DOCUMENTS
Le 23 mai dernier, des citoyens du monde entier, dans une cinquantaine de pays, ont organisé une marche mondiale contre la compagnie multinationale Monsanto pour condamner un modèle agricole « accro à la chimie et aux manipulations du vivant » et pour manifester leur volonté d’une agriculture biologique sans OGM ni pesticides toxiques et d’une alimentation saine pour tous.
Cette prise de conscience en faveur du « bio » anime également et de plus en plus nos concitoyens. C’est ainsi qu’une partie d’entre eux se sont mobilisés en organisant une marche dans la vallée de Tipaeru’i.
Leur action visait tout particulièrement le produit-phare de Monsanto, le Roundup, pesticide le plus répandu et le plus vendu au monde et en vente libre dans notre pays.
En 2014, Monsanto a dégagé un bénéfice net annuel de 2,7 milliards de dollars en hausse pour un chiffre d’affaires en progression de 15,8 milliards ; la vente des seuls produits phytosanitaires enregistre un chiffre d’affaires de 5,1 milliards de dollars1 , au détriment de la santé des consommateurs.
Le Roundup est un herbicide total et non sélectif, « utilisé dans plus de 750 produits pour l’agriculture, la foresterie, les usages urbains et domestiques… Son utilisation a vivement augmenté avec le développement des cultures transgéniques…».Sa substance active principale, le glyphosate, permet l’extermination totale de toutes les plantes aspergées de ce produit.
Cependant elle « présente une écotoxicité manifeste et ne se dégrade pas rapidement dans la nature, puisque selon les études effectuées par le groupe Monsanto lui-même, un niveau de dégradation biologique de 2 % seulement peut être obtenu après 28 jours. ».
En Polynésie, le Roundup est utilisé par de nombreux jardiniers amateurs et par les agriculteurs. Il est donc présent dans nos maisons et dans nos assiettes !
Le 20 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé 5 pesticides4 dont le glyphosate dans la catégorie des « cancérogènes probables ».
Depuis plusieurs années déjà, de nombreuses études scientifiques ont mis en évidence les effets nocifs du Roundup sur la santé humaine sur le long terme.
Ainsi en l’an 2000, le Professeur Rober Bellé , de l’Université Pierre et Marie Curie, découvre que le Roundup affecte les mécanismes qui contrôlent la division cellulaire et pourrait induire les premières étapes d’un cancer qui se développera trente ou quarante ans plus tard.
En 2001, une étude canadienne montre que des hommes exposés au Roundup plus de deux fois par an ont 50% de chance en plus de développer un lymphome non hodgkinien que des hommes jamais exposés.
En 2002, des résultats semblables sont observés par l’équipe suédoise de Lennart Hardell , spécialiste de la dioxine. Hypothèse qui se confirme au travers d’une enquête épidémiologique menée sur des paysans du Midwest étasunien par le National Cancer Institute.
Par ailleurs, une étude épidémiologique menée en Iowa et en Caroline du Nord suggère un lien entre l’utilisation du Roundup et le myélome multiple.
En 2005, les recherches menées par le professeur Gilles-Eric Séralini ont démontré que le Roundup est un perturbateur endocrinien qui empêche le bon développement du fœtus.
Une étude épidémiologique publiée par l’université de Carleton sur les effets des pesticides sur la santé des populations d’agriculteurs en Ontario, conclut que l’exposition au glyphosate double le risque d’avortements tardifs et que « les foetus qui sont exposés dans les 12 premières semaines de grossesse et les enfants qui sont exposés au cours de la première année de vie sont ceux qui courent le plus de risques de développer des problèmes de santé. »
Ces nombreuses études internationales prouvent sans conteste la toxicité et la dangerosité du Roundup de Monsanto sur la santé.
En dépit de cela, en 2010, le gouvernement de la Polynésie française a autorisé l’importation de 28 248 litres de glyphosate, classé « catégorie III : autres produits», c’est-à-dire non dangereux, classification qui permet sa mise en vente libre de toute protection.
C’est ainsi que le Roundup est exposé dans plusieurs commerces sur des étagères à la portée des enfants ! Le Roundup n’est pourtant que l’arbre qui cache la forêt.
Diverses études menées aux États-Unis indiquent que les pesticides polluent l’eau potable par la dérive aérienne des produits pendant la pulvérisation, contaminent les nappes phréatiques, les puits et les sources par ruissellement et infiltration.
Ils sont à l’origine d’une perte importante de biodiversité : les insectes pollinisateurs tels que les abeilles connaissent un taux élevé de surmortalité liée à l’utilisation de certains pesticides.
Cela s’est vérifié récemment dans notre pays lors des pulvérisations massives de pesticides en périodes d’épidémie de chikungunya où les apiculteurs ont vu leurs ruches décimées.
Mes questions au gouvernement sont les suivantes :
1. Au vu des risques sanitaires et au nom du principe constitutionnel de précaution, quelles sont les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour préserver et garantir la santé de nos concitoyens tout particulièrement l’importation et l’utilisation des pesticides dont la toxicité est unanimement reconnue (glyphosate, malathion, diazinon, tetrachlorvinphos et parathion) ?
2. Quelles mesures comptez-vous prendre pour contrôler régulièrement les teneurs en pesticides des denrées agricoles, quelles soient importées ou produites localement ? Qu’en-est-il des denrées alimentaires contenant des OGM ?
3. Quelle politique sectorielle comptez-vous mener pour inciter les agriculteurs à faire évoluer leurs pratiques vers des productions sans pesticides et saines ?
Mme Éliane TEVAHITUA