Question écrite au gouvernement
- Question écrite à M. Édouard FRITCH Président de la Polynésie française
- Objet : Élevages porcins en Polynésie française
- Réf. : Arrêté n° 4791 MCE/DIREN du 3 mai 2021 autorisant la SCEA Polycultures à installer et exploiter un élevage de porcs, commune de Taiarapu-Est, établissement de la première classe des installations classées pour la protection de l’environnement
DOCUMENTS
Monsieur le Président,
Le 18 février 2021, les représentants à l’assemblée de la Polynésie adoptaient à l’unanimité le « schéma directeur de l’agriculture en Polynésie française ».
Ce document de synthèse qui fixe les grandes orientations de la politique agricole de notre pays avait vocation à intégrer les dimensions culturelle et environnementale à l’ensemble de nos activités et pratiques agricoles.
C’est ainsi que quatre principes directeurs ont été définis à savoir (i) « retrouver le lien qui unit l’homme à la terre », (ii) valoriser les pratiques agro-environnementales, (iii) placer la Polynésie dans le mouvement mondial du développement durable et enfin, (iiii) reconnaître la multifonctionnalité de l’agriculture .
À cet égard, la filière porcine ne devrait pas échapper à ces exigences au risque de s’exposer à une triple fracture :
1. « Des risques sanitaires liés à la brucellose ;
2. Une gestion d’effluents non maîtrisée et des risques environnementaux accrus, jusqu’à un impact négatif sur les écosystèmes lagonaires et le développement touristique qui lui est lié ;
3. Le rejet « sociétal » d’un modèle d’élevage porcin spécialisé industriel et commercial à même de bloquer, en raison des nuisances de voisinage, toute nouvelle installation nécessaire à l’expansion de la filière. »
Les rapports annuels du centre d’hygiène et de salubrité publique sur la qualité des eaux de baignade sont à cet égard édifiants et implacables.
Ainsi, comme le souligne à juste titre et de manière récurrente le service de l’hygiène dans son rapport, les principales causes de pollution des eaux douces, des embouchures de rivière et des eaux de mers de notre pays sont notamment imputables aux « rejets de lisier des élevages de porcs ou provenant d’élevage de volailles dans les rivières » en particulier dans les zones rurales de Tahiti et Moorea.
En octobre 2018, les habitants des communes de Taiarapu-Est et Taiarapu-Ouest ont été sollicités, dans le cadre d’une enquête commodo et incommodo, aux fins de faire valoir leurs avis respectifs quant à la demande d’installation d’une porcherie industrielle et commerciale d’environ 2000 porcs sur le plateau de Taravao.
Ce projet controversé porté par la SCEA POLYCULTURES représentée par M. WAN qui prévoyait également l’épandage des effluents de l’élevage sur les parcelles de terres situées sur le plateau de Taravao a fait l’objet d’une mobilisation citoyenne et suscité de vives inquiétudes de la part des habitants de la commune.
Le 7 mai 2021, ces derniers ont appris, au détour de l’arrêté cité en référence, que le ministre de l’environnement autorisait la SCEA Polycultures à installer et exploiter un élevage industriel de 1844 porcs dans la commune de Taiarapu-Est sur le fondement :
1) du rapport du commissaire enquêteur enregistré sous le n° 262 DIREN/AR/ en date du 23 janvier 2019 ;
2) de l’avis du Maire de la commune de Taiarapu-Est enregistré sous le n° 310/DIREN/AR du 25 janvier 2019 ;
3) de l’avis du Maire de la commune de Taiarapu-Ouest enregistré sous le n° 1369/DIREN/AR du 29 mars 2019 ;
4) des avis de la Direction de l’agriculture enregistrés sous les n° 5582 DIREN/AR du 27 décembre 2018 et n° 3601 DIREN/AR du 10 septembre 2020 ;
5) des avis de la Direction de la biosécurité enregistrés sous les n° 2608 DIREN/AR du 21 juin 2019 et n° 1495 DIREN/AR du 4 mai 2020 et n° 5293 DIREN/AR du 3 décembre 2020 ;
6) de l’avis du centre d’hygiène et de la salubrité publique enregistré sous le n° 1721 DIREN/AR du 25 avril 2019 ;
7) des avis de la direction de la protection civile enregistrés sous les n° 2908 DIREN/AR du 5 juillet 2019 et n° 685 DIREN/AR du 18 février 2020 ;
8) des avis de la direction du travail enregistrés sous les n° 2301 DIREN/AR du 4juin 2019, n° 3874 DIREN/AR du 25 septembre 2020 et n°5300 DIREN/AR du 3 décembre 2020 ;
9) des mémoires de l’exploitant enregistrés sous les n° 5396 DIREN/AR du 25 novembre 2019, n° 4992 DIREN/AR du 24 novembre 2020 et n° 5344 DIREN/AR du 4 décembre 2020 ;
10) et de l’avis FAVORABLE de la commission des installations classées émis en sa séance du 8 décembre 2020.
Aussi, il me serait utile, pour ma parfaite information et celle de nos concitoyens, d’être instruite de la teneur de chacun des avis précédemment formulés par les services instructeurs et les municipalités concernées ; avis qui auront, in fine, permis l’installation de cette porcherie industrielle sur le plateau de Taravao.
Par ailleurs, je souhaiterais connaître le mesures prises par votre gouvernement pour remédier définitivement aux pollutions des eaux de mer de Mahaena, des embouchures des rivières de la Punaruu, de Tevaifaara située à Hitiaa o te ra, de la Mapuaura à Taiarapu-Est, et de Haumi à Moorea ; pollutions directement imputables à ces élevages qui ont été mises en exergue par le service de l’hygiène et de la salubrité publique dans son rapport public annuel.
Enfin, il me serait également agréable d’ être rendue destinataire du calendrier de réalisation des actions que votre gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre dans le cadre du point 2.1 du schéma directeur de l’agriculture de notre pays.
Il concerne en particulier la gestion des effluents des élevages porcins à travers le recrutement d’un ingénieur spécialisé en zootechnique et conduite d’élevage porcin, la formalisation de missions d’échanges et de coopération régionale et l’estimation de la valeur des effluents et leur incorporation dans les analyses économiques.
Je forme le vœu que votre gouvernement ne reste plus sourd aux attentes de nos concitoyens qui aspirent à davantage de transparence dans les prises de décisions publiques et à une agriculture respectueuse de la santé de notre population, de notre environnement et de la condition animale.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l’expression de ma respectueuse considération.
Mme Éliane TEVAHITUA