INTERVENTION
- Question orale du Groupe Tavini Huiraatira à M. Édouard FRITCH, Président de la Polynésie française
- 6ème séance plénière de la session administrative du jeudi 24 juin 2021
- Objet : Question orale de Mme TEVAHITUA relative à la lutte contre la cherté de la vie en Polynésie française
Taraho’i, le 4 mai 2021
Objet : Lutte contre la cherté de la vie en Polynésie
Monsieur le Président,
Dans son dernier rapport sur la balance des paiements, l’Institut d’Emission d’Outre-Mer (IEOM) a rappelé à juste titre qu’en 2019 notre déficit commercial s’est encore alourdi atteignant la somme vertigineuse de 201,8 milliards F CFP (après 165,7 milliards F CFP en 2018).
En réalité, ces chiffres traduisent un fait connu de tous : notre économie est une économie de comptoir, dépendante du reste du monde en particulier de l’Europe et surtout de la France. L’Union européenne située à 20 000 km de notre Pays est le premier fournisseur de biens d’équipement et de consommation de notre Pays ( 40 % de nos importations) et la puissance administrante française compte à elle seule pour 25% de nos importations alors que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis pourtant géographiquement plus proches comptent à peine pour 10% du montant de nos
importations annuelles.
Depuis quelques mois déjà les agents maritimes de la place, les sociétés d’aconage ,les grandes sociétés d’importation et le secteur de la grande distribution par lesquels transite la plus grande partie des produits que nous achetons chaque jour, ont préparé nos esprits à une hausse des prix des marchandises importées.
À en croire ces derniers, cette hausse tous azimuts va concerner non seulement le prix des importations des matières premières et des produits agro-alimentaires qui finiront sur nos tables dans nos assiettes, mais également les matériaux de construction qui vont in fine servir à bitumer nos routes, à construire et à équiper nos logements… jusqu’aux assurances de nos véhicules impactées par la hausse du prix des pièces détachées vendues par les concessionnaires automobiles de la place.Cette hausse serait en grande partie imputable aux effets de la pandémie de la COVID-19 notamment aux tensions qu’elle génère sur les marchés mondiaux ainsi que sur l’approvisionnement et l’acheminement par voie maritime notamment des produits que notre Pays importent en provenance d’Europe, principalement de France et de Chine.
Les conteneurs coûtent plus chers et notre Pays du fait de son éloignement géographique et des flux relativement modestes de marchandises qui y transitent n’est pas la priorité des grandes compagnies maritimes.
Cette hausse annoncée des prix est inquiétante car celle-ci ira immanquablement grever le budget, déjà exsangue, des familles polynésiennes dont 55 % vit en dessous du seuil de pauvreté monétaire.
Monsieur le Président, que comptez-vous faire pour s’attaquer à la racine de la cherté structurelle de la vie dans notre Pays ? :
-Comptez-vous vous attaquer au monopole de la grande distribution qui en coulisse gère trois enseignes commerciales françaises (Champion, Carrefour et Easy market), est à la fois importateur, grossiste, détaillant, producteur (punu pua’atoro), maraîcher, laitier, et demain producteur de viande porcine sur le plateau de Taravao ? Comment expliquerez-vous à notre population que ces sociétés bénéficient en bonus et grassement des subventions publiques et de la défiscalisation ?
-Avez-vous l’intention de vous attaquer à la situation d’oligopole des trois sociétés d’aconage sur les quais du Port de Papeete ? Ces mêmes sociétés qui ont bien d’autres casquettes. Comment expliquez-vous, Monsieur le Président que certaines d’entre elles soient tout à la fois gestionnaires d’entrepôts, commissionnaires en douanes, agents maritimes, loueurs d’engins de levage, transporteurs de conteneurs hors zone de douanes et importateurs de ciment, de béton et de matériaux de construction ? Oui tout cela en même temps !
-Quand aurez-vous l’audace d’intervenir chez les concessionnaires automobiles qui revendent à prix d’or les pièces détachées des véhicules automobiles qu’elles vendent grassement ? Comment expliquez-vous qu’une même pièce auto achetée 60 euros sur internet, fret aérien inclus, soit vendue chez le concessionnaire 60 000 F CFP ?
-Comment comptez-vous expliquer aux Polynésiens par quelle absurdité un même produit fabriqué en Nouvelle-Zélande ou aux USA et transporté à moindre frais dans notre Pays sera in fine surtaxé par les douanes françaises quand ce même produit acheminé à 20 000 km bénéficiera d’une exemption ou réduction des droits au simple motif qu’il est estampillé made in France ?
Je vous remercie.
Mme Éliane TEVAHITUA