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INTERVENTION
Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
Rapport n° 181-2021 du 19/11/2021
Temps de parole 10 mn
Consigne de vote / favorable
DOCUMENTS
SIXIEME SÉANCE DE LA SESSION BUDGETAIRE DU 2 DECEMBRE 2021
Rapport sur la proposition de loi du pays définissant les conditions d’accès prioritaire pour les personnes reconnues handicapées
Seul le prononcé fait foi
Chers collègues,
« La Convention relative aux droits des personnes handicapées et protocole facultatif des Nations Unies » définit les personnes handicapées comme « des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». Cette Convention internationale ratifiée par la France, et par conséquent applicable à notre Pays, « a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque ».
De manière pertinente, la présente proposition de loi de pays de notre collègue Virginie Bruant, conçue avec la fédération d’associations Te Niu O Te Huma, qui vise à améliorer et réaffirmer « les prérogatives, droits et priorités » des personnes handicapées, s’inscrit dans la droite lignée de cette Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Elle représente une indéniable avancée qui mérite d’être soulignée.
Ainsi, cette proposition de loi prévoit de formaliser les dispositifs facilitant l’accessibilité des personnes handicapées dans les différents établissements recevant du public (ERP). Pour ce faire, elle modifie deux codes, ceux du travail et de l’aménagement, et deux délibérations, celle n° 82-36 du 30 avril 1982 modifiée relative à l’action en faveur des handicapés et celle n° 2007-44 APF du 9 juillet 2007 modifiée portant création du FIPTH, le Fonds pour l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
En résumé, la PLP actualise la sémantique relative au handicap, aux personnes porteuses de handicap de manière à bannir les connotations péjoratives du terme « handicapé » dorénavant remplacé par celui de « personne handicapée ». Elle bonifie la carte d’invalidité des 5 256 personnes handicapées dont le taux d’incapacité est égal ou supérieur à 80%, et innove par la carte pour personnes à mobilité réduite dès lors que le taux d’incapacité est inférieur à 80 % ou en cas de station debout pénible. La plaque de stationnement actuelle devient une carte de stationnement permanente ou temporaire au visuel modernisé.
Ces différentes cartes accorderont aux personnes handicapées la priorité aux guichets, dans les transports publics, les espaces et salles d’attente privés et publics, dans les établissements et manifestations accueillant du public et toutes les files d ’attente. Pour éviter un dévoiement de leur usage, des sanctions pécuniaires sont prévues en cas d’utilisation par un tiers et de falsification. De même, l’absence de visibilité et d’accessibilité de la signalétique dans les ERP est sanctionnée par une contravention de 4ème classe. Le produit des recettes étant affecté au FIPTH. Et enfin, un délai transitoire de deux ans est prévu avant l’instauration de ces nouvelles cartes et les établissements recevant du public disposent d’un délai d’un an pour se mettre en conformité avec l’obligation d’affichage d’une signalétique adaptée.
Le groupe Tavini Huira’atira votera favorablement cette présente proposition de loi de pays qui a le mérite de poser les premiers jalons « d’une réforme plus globale » des dispositifs en faveur des personnes handicapées. Cependant, force est de constater notre retard dans ce domaine en regard d’autres pays. Ainsi, « les pays européens consacrent environ 2 % de leur PIB à leurs politiques pour les personnes handicapées » afin de leur permettre de « vivre une vie « comme tout le monde » ».
Pour parvenir à leur niveau, la Polynésie devrait consacrer 12 milliards CFP environ à ses politiques publiques en faveur des personnes handicapées.
Or, selon le rapport d’activité de 2020 de la CPS, les allocations toutes confondues perçues par les 5 256 personnes handicapées dont le taux d’incapacité est de 80 % et plus ne pèsent que 3,9 milliards.
Les personnes handicapées dont le taux d’incapacité est inférieur à 80 % ne disposent à ce jour d’aucune allocation ; ce qui est anormal.
Dans son Rapport de 2019 sur les droits des personnes handicapées en France, la Rapporteuse spéciale de l’ONU s’est penchée sur « les questions liées aux droits des personnes handicapées en France métropolitaine à la lumière des normes et règles internationales relatives aux droits de l’homme ».
Si elle a mis en exergue les progrès réalisés par la France depuis sa ratification en 2010 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, elle n’a pas manqué de souligner « les lacunes et les domaines dans lesquels des améliorations doivent être apportées et formule des recommandations pour aider le Gouvernement à transformer la société française et à offrir des réponses et des solutions inclusives à toutes les personnes handicapées sur la base de l’égalité avec les autres ».
En matière d’accessibilité aux infrastructures publiques et privées en France, la Rapporteuse spéciale constatait que ces établissements recevant du public (ERP) « n’étaient toujours pas accessibles aux personnes handicapées et qu’il y avait de fortes disparités entre les régions » en raison des délais pouvant aller jusqu’à neuf ans de la mise en accessibilité de toutes les infrastructures et de tous les transports et en raison de plusieurs dérogations et exceptions, y compris pour les nouveaux bâtiments publics.
C’est ainsi que « sur plus d’un million d’établissements ouverts au public, seuls 300 000 étaient pleinement accessibles ».
En Polynésie, la Rapporteuse spéciale de l’ONU aurait sans doute trouvé matière à dire sur la façon dont la société polynésienne appréhende les handicaps et la situation des 17 000 Polynésiens handicapés. Et en matière d’accessibilité aux infrastructures dans la capitale, elle aurait sans doute relevé, comme nous tous, les obstacles patents rencontrés par les personnes handicapées à se déplacer en fauteuil roulant en ville, l’état bancal des trottoirs, l’impossibilité pour une personne malvoyante à s’y déplacer seul.
Par conséquent, le chemin est encore long avant que les principes de la Convention des Nations Unies s’appliquent pleinement aux personnes handicapées et avant que celles-ci ne parviennent au respect de leur dignité intrinsèque ; à la non-discrimination ; à la participation et l’intégration pleines et effectives à la société ; au respect de leur différence ; à l’égalité des chances ; à l’accessibilité ; à l’égalité entre les hommes et les femmes et au respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et du droit des enfants handicapés à préserver leur identité.
Pour conclure, le groupe Tavini Huiraatira remercie l’auteure de cette proposition de loi et exhorte le Pays dans la perspective « d’une réforme plus globale » des dispositifs en faveur des personnes handicapées à suivre la feuille de route détaillée fixée par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU.
Je vous remercie de votre attention. Mauruuru i te faarooraa mai !
Mme Éliane TEVAHITUA