INTERVENTION
Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
Rapport n° 117-2021 du 19/08/2021
Lettre n° 6068/PR du 12/08/2021
Temps de parole : 10 mn
Consigne de vote : favorable
DOCUMENTS
DEUXIEME SÉANCE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DU 20 Août 2021
Projet de loi du pays relatif à la vaccination dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la COVID
Seul le prononcé fait foi
Chers collègues,
Mon intervention sera volontairement factuelle pour expliquer, à ceux de nos collègues qui en douteraient encore, l’extrême gravité de la situation sanitaire actuelle dans notre Pays, la sursaturation des capacités d’hospitalisation et de réanimation du CHPF, réduit à
faire de la médecine de guerre, et l’impérieuse nécessité d’y faire face, rapidement et de manière énergique.
Pour ce faire, j’appuierai mes propos sur la dernière publication du bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’évolution de la covid 19 en Polynésie. Elle est rédigée par des médecins épidémiologistes, formés à la logique cartésienne et à l’objectivité scientifique, qui ne pourraient pas être soupçonnés de biaiser leurs données au profit de considérations politiques ou idéologiques.
Chers collègues, ce bulletin hebdomadaire est on ne peut plus clair. L’épidémie progresse sur un mode explosif. Chaque jour qui passe amène son contingent de Polynésiens morts par dizaine du variant delta.
Laisser le libre choix de se vacciner ou non, à certaines catégories de professions médico-sociales ou à des professionnels en contact étroit avec les publics, ou à des personnes vulnérables et en longue maladie, serait tout simplement de l’inconscience, irresponsable et criminel.Ainsi, près de 7000 nouveaux cas (6 961) cas ont été confirmés du 9 au 15 août 2021, dont près de 6000 (5 657) rien qu’à Tahiti. 36 de nos îles, sont désormais touchées.
Bien que la grande majorité des cas identifiés soient localisés à Tahiti, de plus en plus de cas sont rapportées dans tous les archipels et dans de nombreuses îles, montrant la progression rapide du variant dans les îles, même les plus éloignées. 395 cas sont recensés à Moorea, 673 aux ISLV, 127 cas sur 21 atolls aux Tuamotu, 30 cas sur 5 îles aux Marquises, 40 cas aux Australes et 39 cas à Tetiaroa. Et je ne parle là que de données épidémiologiques de la semaine dernière. Cette semaine, le nombre de cas et d’îles touchées ont augmenté encore et encore.
L’âge moyen des cas confirmés est de 37 ans, les deux tiers (65,8%) ont moins de 45 ans, seuls 8,2% ont 60 ans ou plus. Le taux d’incidence est nettement plus élevé dans la tranche d’âge des 20-44 ans. Cette appétence du variant delta pour des personnes jeunes, dans la force de l’âge, est corrélée à leur recours moindre à la vaccination et au fait de croire invincibles parce qu’en bonne santé. C’est parmi ces tranches d’âge qu’on trouve le moins de personnes vaccinées.
Quant à l’incidence polynésienne, elle a battu tous les records de la France métropolitaine et de ses territoires ultra-marins avec 2 523 polynésiens covidés /100 000 habitants, la semaine dernière. Aujourd’hui, notre incidence continue de croître et atteint le taux effroyable de 2793 covidés/10 000 habitants.
Qui dit mieux ? Les taux d’incidence les plus élevés sont observés aux Iles de la Société. Nous dépassons de loin les Antilles françaises avec leurs taux d’incidence de 1 152/100 000 habitants en Martinique et de 2 168/100 000 habitants en Guadeloupe. Certes, les hospitalisations sont également en forte hausse aux Antilles qui envisagent de demander des réservistes métropolitains pour renforcer leurs équipes hospitalières. Mais, dans notre Pays, c’est pireL’augmentation des admissions hospitalières, notamment au CHPF, est massive et dépasse les capacités d’hospitalisation initiales. Ainsi durant la semaine dernière en S32, l’activité hospitalière liée au Covid a augmenté. 259 patients ont été admis au CHPf, dont 29 en réanimation, tandis que 41 personnes étaient hospitalisées dans les hôpitaux périphériques de la Direction de la Santé et en cliniques privées.
Parmi les hospitalisations pour Covid au CHPF, les hospitalisations concernent moins les personnes âgées de plus de 65 ans que les moins de 44 ans, en raison probablement du taux de couverture vaccinale plus important chez les premiers.
L’analyse du statut vaccinal des patients hospitalisés au CHPf à la date du lundi 16 août 2021 montre qu’aucun patient hospitalisé en réanimation n’avait bénéficié d’un schéma vaccinal complet. Hors réanimation, 4 patients hospitalisés sur 5 (79,5%) n’étaient pas
vaccinés et seul 4,7% avaient bénéficié d’un schéma vaccinal complet.
Rien que la semaine dernière, 41 Polynésiens sont décédés de covid dont 35 au CHPF. Au CHPF, 80 % d’entre eux étaient non vaccinés, 11% avait un schéma vaccinal incomplet et 9 % avec un schéma vaccinal complet. Il est encore trop tôt pour avoir les
données sur leurs facteurs de co-morbidité. Ce chiffre hebdomadaire de décès est en forte augmentation et sans répit.
Cette semaine nous sommes déjà à 57 décès en 6 jours si l’on comptabilise entre le 14 et le 19 août. La semaine dernière, la capacité de lits Covid au CHPf était de 211 lits hors réanimation et de 38 en réanimation, avec des taux d’occupation respectifs de 92% et 95 %. À titre de comparaison, au 19 août 2021, 215 patients Covid étaient hospitalisés hors
réanimation et 38 en réanimation. Force est de constater que les capacités du CHPF sont arrivées à sursaturation et ne permettent plus à l’établissement de recevoir ni d’autres patients Covid, ni des patients non Covid, ce qui représentent une perte de chance inouïe
pour ces derniers. En d’autres termes, les équipes médicales sont contraintes de procéder à un tri des patients, entre ceux qui seront réanimés et d’autres qui ne le seront pas, fautes de places, de machines de réanimation disponibles.
De surcroit, le nombre d’Evasan et de SMUR pour des patients covid a plus que doublé, passant de 12 en S31 à 27 en S32. Aux urgences du CHPF, 65 % des entrées sont des patients covidés à raison de 752 passages en semaine 32. Un tiers (32 %) fait l’objet d’hospitalisation en secteur Covid. Le taux de positivité des prélèvements réalisés est de 61%. Le nombre d’appels au 15 pour suspicion de Covid a presque doublé entre la S31 et S32, passant de 373 à 680, et le nombre d’appels à la plateforme Covid (40 455 000) a atteint 2 183. À domicile, ce n’est guère mieux, le nombre de patients sous oxygénothérapie a doublé (105 patients) dont 54 nouvelles installations.
Comme vous le constatez, chers collègues, les chiffres ne sont pas bons, les Polynésiens se meurent, le CHPF est à bout de souffle. NOTRE MAISON COMMUNE BRÛLE ! Il est temps d’agir au plus vite. La vaccination globale en Polynésie peine à dépasser les 40 %
la semaine dernière tandis que dans tous les pays ayant une couverture vaccinale élevée, les taux de décès demeurent modérés.
Cette réticence à se faire vacciner repose sur des rumeurs sectaires infondées, colportées sur les réseaux sociaux qui donnent du crédit à des gourous de la santé et à des complotistes en tous genres.
L’enquête CAP (Connaissances, Attitudes, Pratiques) réalisée en juillet 2021 montre que l’hésitation vaccinale vis-à-vis de la Covid porte sur des complications prêtées aux vaccins tels que des effets indésirables (attendus, graves, inattendus et tardifs), de vaccins supposés mortels ou douteux (inefficacité, composition inconnue, rapidité de conception) ou qui rendraient malades (Covid ou de paralysie et de stérilité) et enfin de puces électroniques insérées (cobayes). NON, la vaccination à ARN messager comme le Pfizer ne consiste pas à injecter de l’ARN de virus mortel, ni à insérer des puces électroniques de surveillance.
C’est juste une technique qui consiste à injecter dans l’organisme une molécule d’ARN messager contenant le code génétique de la protéine S du Sars-CoV-2, le virus à l’origine du Covid-19, de manière à ce que les cellules fabriquent, de façon localisée et transitoire, la seule protéine
NON, il est scientifiquement infondé de croire que la vaccination soit à l’origine des variants !
NON, malgré sa rapidité de conception, le vaccin n’est plus au stade expérimental comme l’a affirmé tantôt au journal télévisé un ecclésiastique dénué de toute formation scientifique et bien imprudent !
NON la vaccination de la Covid ne rend pas stérile, ni ne présente plus d’effets secondaires que les autres vaccins !
Quant à ceux qui sont réticents à la vaccination en pleine épidémie, je réserve cette citation d’un directeur de Département d’Immunologie au Centre de recherche en cancérologie et immunologie de Nantes-Angers et directeur de recherche à l’Inserm : .Bien sûr qu’il faut vacciner en période d’épidémie.
Même si le vaccin contre la Covid n’est pas une solution miracle, il nous prémunit contre des formes graves de la maladie ou de mourir, tout simplement car la charge virale est multipliée 1 260 fois chez les patients atteints du mutant Delta par rapport à la souche historique du Sars-Cov-2. C’est pourquoi, il est urgent de vacciner au plus vite les personnels médico-sociaux ou en contact avec des publics et les personnes vulnérables, en longue maladie.
En conclusion, mon vote personnel ainsi que celui de Madame Galenon, qui m’a donnée sa procuration, sera favorable.
Néanmoins, M. le Président, je vous rappelle que la réouverture des vols au 1 er mai avec accès aux non vaccinés n’aura pas été la meilleure décision politique que vous ayez prise. Ce n’est pas parce qu’il y a 700 housses mortuaires au CHPF qu’ils devraient servir !
Je vous remercie de votre attention. Mauruuru i te faarooraa mai !
Mme Éliane TEVAHITUA