<
INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Eliane Tevahitua
- Rapport n° 72/2021 du 9 juin 2021
- Lettre n° 374 DIRAJ du 25 mars 2021
- Temps de parole : 11 mn
- Consigne de vote : DEFAVORABLE
DOCUMENTS
TROISIEME SÉANCE DE LA COMMISSION PERMANENTE DU 26 AOUT 2021
Avis sur un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Représentants, Chers Collègues,
L’assemblée est saisie d’un projet de loi autorisant le gouvernement français à signer des accords de défense avec l’État du Qatar, d’une part et le gouvernement mauricien, d’autre part.
Vous vous en doutez, mon intervention sera brève, mais plus fournie que les discussions entre les élus membre de la commission des institutions et des affaires internationales qui s’est penchée sur ce dossier lors de sa séance du 14 juin.
Les projets de rapport et d’avis n’ont suscité aucune discussion !
Pourtant, le sujet est intéressant, car nul n’est censé ignorer que derrière tout accord de défense bilatéral conclu entre la France, ou tout autre puissance militaire, et un tiers partenaire, il y a en toile de fond des enjeux économiques et géo stratégiques majeurs.
Ainsi, tout accord militaire et de défense, toute vente de matériels et d’équipements militaires, sont la démonstration et l’illustration d’une diplomatie d’influence qui, souvent, se cache dans les détails et les clauses, parfois secrètes ou non écrites, contenues dans ces accords, et qui ne sont jamais porté à la connaissance du grand public.
Ainsi, quand le France vend des sous-marins à l’Australie, quand elle vend des avions de marque Rafale à l’Indonésie ou quand elle vient pavoiser les mêmes appareils Rafale sur une ligne Paris Tôkyô Papeete Hawaii (et ce fut le cas lors de la visite récente du Président Macron dans notre Pays), elle fait de la géopolitique.
En l’espèce, la France venait illustrer chez nous ce fameux concept d’axe indo-pacifique, tant vanté par le Président Macron. Donc, ma question serait, quels sont les enjeux contenus dans les deux projets d’accords de défense qui nous sont soumis aujourd’hui ?
Pour la France, le Qatar et Maurice, quels sont les enjeux politiques, économiques, militaires et géostratégiques ?
Plus spécifiquement, concernant le Gouvernement de l’Ile Maurice, l’un des acteurs politique de l’Océan indien, quel est sa place exacte parmi les divers chainons constitutifs de l’axe indo pacifique ?
A ce stade, je présume que personne n’obtiendra de vrai réponse, tant les motifs et le contenu de l’étude d’impact de ces deux accords, tels qu’ils sont analysés dans les documents transmis à notre examen, sont dépouillés de toute information substantielle, hormis les éléments de langage lénifiants habituels.
On y parle de « renforcement des modalités de coopération » et de « mise en œuvre d’un cadre juridique fiable » entre le Qatar, Maurice et la France. Le rapport se conclut en indiquant, je cite : « le peu de probabilité pour que les dispositions de l’accord aient à s’appliquer en Polynésie avec, en toute hypothèse, une très faible incidence pour les finances du Pays ».
Donc, nous ne saurons rien des tenants et aboutissants de ces accords qui ne nous concernent pasCe qui m’amène à m’interroger sur ce type de saisine qui vient encombrer notre travail législatif, déjà assez perturbée par une crise sanitaire majeure et inédite. De plus, nous connaissons la valeur que l’Etat apporte à nos avis rendus sur ce type de dossiers : aucune valeur.
C’est maintenant un fait avéré. En effet, que nous adoptions un avis négatif, positif ou réservé, que cet avis soit assorti de recommandations ou de suggestions, tout cela reste lettre morte dans le processus réglementaires et législatif métropolitain auquel notre assemblée est associée par voix consultative. In fine, nos avis passent aux oubliettes, et ne sont jamais pris en considération, du moins pour ce type de saisine. Ainsi, les accords de défense, les traités internationaux négociés par la France et leur ratification et les multiples conventions bilatérales, sont toujours adoptées par le Parlement national, indépendamment de notre propre positionnement.
Je voterai donc contre ce projet et je proposerai, qu’à l’avenir, notre Assemblée fasse l’impasse sur ce genre de saisine.
Je vous remercie de votre attention.
Mme Éliane TEVAHITUA