INTERVENTION
- Question orale du Groupe Union pour la démocratie
- à Madame la ministre du travail, des solidarités et de la condition féminine
- 5e séance plénière de la session administrative du 9 juin 2016
- Objet : Conséquences sociales et sanitaires désastreuses des nouvelles conditions d’admission au RST fixées par la loi du pays n° 2015-3 du 25 février 2015 relative aux conditions d’admission au régime de solidarité (RST) et au contrôle de leur respect, modifiée par la loi du pays n° 2016-16 du 11 mai 2016
Madame la ministre,
Pour limiter l’accès des Polynésiens aux soins médicaux gratuits, la loi du pays du 25 février 2015 modifiée a considérablement durci les conditions d’admission au RST.
Depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2016, force est de constater quotidiennement les répercussions sociales et sanitaires désastreuses de la L P que vous avez votée en 2016 pour les plus fragiles de notre population.
Cette réforme gouvernementale de la PSG prévoit notamment, faut-il le rappeler :
1- La détermination de deux seuils de revenus mensuels pour être admis au RST Ces seuils arbitraires condamnent de très nombreux ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté à devoir émarger au RNS où elles doivent non seulement cotiser 9,54 % sur l’ensemble des revenus du ménage au titre de l’assurance-maladie (au lieu de 0 % au RST) mais perdre également 3 000 F CFP d’allocations familiales par enfant. N’étant pas en mesure de cotiser à l’assurance maladie, ces ménages ne sont plus couverts actuellement par la CPS.
2- L’évaluation des ressources du demandeur qui apprécie tous les revenus, quels qu’ils soient, incluant même des éléments du patrimoine non productifs de revenus comme « les capitaux mobiliers et les biens immobiliers ». Ainsi, après une fin de CAE ou après une perte d’emploi suite à un licenciement économique, le demandeur voit ses anciens revenus indemnitaires ou salariaux pris en compte dans les 12 mois précédant sa déclaration de revenus avec, pour conséquence inéluctable, un dépassement des seuils entraînant une affiliation d’office au RNS avec l’obligation expresse de s’acquitter de la cotisation maladie de 9,54 % alors qu’il ne dispose d’aucun revenu du travail.
Certains se voient contraints de se dispenser de couverture maladie et ne sont plus couverts auprès de la CPS. Cette situation désastreuse suscite à juste titre chez eux un profond sentiment de frustration et d’injustice.
De même, des ménages modestes disposant d’un petit patrimoine ne générant aucun revenu (petite épargne sur compte courant, maisons d’habitation partagées avec la famille de générations en générations, notamment dans les archipels) sont désormais exclus de l’accès au RST du fait de la valorisation équivalente de leur patrimoine en revenus.
3- L’évaluation des avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire soit à titre gratuit par le demandeur.
Or, la grande majorité des ménages polynésiens, même pauvres, vivent dans des logements dont ils sont propriétaires. C’est notamment le cas des populations des archipels, couvertes par le RST pour 45 % d’entre elles, qui résident dans des maisons construites de leurs propres mains transmises de génération en génération.
Intégrer la valeur locative de leur logement peut rapidement constituer une somme susceptible de faire dépasser les seuils d’admission au RST et les conduire à basculer automatiquement au RNS alors qu’elles sont très modestes voire classées comme pauvres4- L’affiliation d’office au RNS avec « effet rétroactif » pour toute personne refusée ou radiée du RST.
Cette rétroactivité a un effet pervers contraignant des ménages sans le sou à payer un rattrapage de cotisations mensuelles antérieures s’ils veulent rester couverts au titre de la maladie et à rembourser le trop-perçu des allocations familiales.
5- Les interruptions de couverture sociale lors des délais de traitement des dossiers d’admission et de renouvellement au RST qui prennent en moyenne deux à trois mois, amenant de modestes ménages déjà lourdement frappés par les fléaux du chômage, de l’insalubrité des logements et de la promiscuité à se dispenser de soins sanitaires les plus basiques tels qu’une consultation chez leur médecin-traitant.
Chacun de nous aura le loisir d’apprécier l’iniquité de cette situation préjudiciable réservée aux plus pauvres de nos concitoyens.
N’assiste-t-on pas à l’émergence d’une caste de parias, celle des SANS (S.A.N.S.) : sans droits, sans couverture sociale, sans voix ?
Au vu de ces développements, mes questions sont les suivantes :
Depuis le 1e r janvier 2016, quels sont les volumes de transfert d’office de populations du RST au RNS ?
Parmi ces populations affiliées d’office au RNS, combien de ménages sont affectés par :
– l’évaluation rétroactive de leurs revenus salariaux alors que l’unique salarié du foyer a perdu son emploi depuis 2015 ou depuis le début de l’année ?
– la valorisation de leur logement en revenus ?
– la valorisation de toute autre ressource listée à l’article LP 8 de la loi du pays ?
– et l’occupation d’un logement gratuit mis à leur disposition ?
Combien de ces ménages affiliés d’office au RNS ont été en mesure de régler leur quote-part contributif de 9,54% à l’assurance maladie ?
Combien sont concernés parla baisse-de-leurs allocations familiales ?
Combien de procédures de remboursement de cotisations maladie et de trop-perçus d’allocations familiales ont été induites par la rétroactivité d’effet de l’affiliation d’office au RNS ?
Combien de ménages et d’individus ont été affectés par les interruptions de couverture sociale lors des délais de traitement des dossiers d’admission et de renouvellement au RST ?
Et enfin, pour terminer, combien de Polynésiens ne disposent plus à ce jour d’aucune couverture sociale suite à l’application de ces dispositions législatives iniques depuis le 1e r janvier 2016 ? Je vous remercie d’avance de vos réponses.
Mme Éliane TEVAHITUA
Vous avez bien voulu, Madame Tevahitua, me sensibiliser aux conséquences sociales et sanitaires désastreuses des nouvelles conditions d’admission au RSPF, entrées en vigueur au 1e r janvier 2016.
Je vous remercie de me donner l’opportunité de clarifier la position du gouvernement quant à la portée et au contenu de cette loi du pays — je tiens à le rappeler— adoptée par votre assemblée le 29 juillet 2014, promulguée le 25 février 2015 suite au rejet par le Conseil d’État des recours formés à son encontre et entrée en vigueur depuis le 1e r janvier 2016.
Je pense qu’il est important de rappeler les dates-relatives à cette loi du pays.
Sans que je sois en mesure de vous renseigner utilement sur les intentions et objectifs poursuivis par les rédacteurs de ce texte, je tiens d’emblée à vous rassurer en vous précisant que notre gouvernement n’entend en aucune façon limiter l’accès des Polynésiens aux soins médicaux.
Croyez bien que nous sommes pleinement conscients des effets indésirables et des dysfonctionnements générés par la mise en application de cette loi du pays.
Et j’allais vous préciser que plutôt qu’effectivement de continuer à vous donner des éléments chiffrés sur la situation, il nous est apparu prioritaire de déjà mettre en mesure des modifications, des mesures correctrices quant à ce texte.
Donc, nous nous sommes d’ores et déjà attachés effectivement à cette mise en œuvre, à court délai, de mesures correctrices qui sont de nature à mettre un terme aux situations « iniques » — vous l’avez indiqué — qu’il lui a été donné de relever à ce jour.
Tel qu’évoqué dans votre question orale, ce dispositif a en particulier eu pour effet de générer des refus d’admission pour des demandeurs privés de toutes ressources au moment du dépôt de leurs demandes, ainsi que pour des salariés effectuant moins de 80 heures par mois, dont le niveau de rémunération excède le seuil d’admission au RSPF —pour une personne seule : 87 346 francs — tout en restant inférieure au SMIG qui, alors même qu’ils cotisent, ne peuvent bénéficier ni de la couverture maladie ni des prestations familiales servies par le régime des salariés.
Afin de mettre rapidement fin à ces incohérences et de restaurer l’équité sociale que notre gouvernement est soucieux de rétablir, le Conseil des ministres a transmis au Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, à l’issue de sa séance du 8 juin 2016 — donc hier— un projet de loi du pays permettant aux personnes relevant de ces deux types de situation de bénéficier du régime d’assurance-maladie et des prestations familiales versées par le régime de solidarité.
Ce projet de loi du pays a également pour objet de clarifier les procédures, de rendre plus efficiente la gestion de certaines allocations.
C’est le cas pour les allocations relatives au handicap et à la vieillesse. Il reste que ce dispositif, quelles que soient ses imperfections, n’a pas pour effet de permettre, pour reprendre votre propos, « l’émergence d’une caste de parias, celle des SANS : sans droits, sans couverture sociale, sans voix » dès lors que tout refus d’admission au RSPF emporte ipso facto l’affiliation d’office au régime des non-salariés.
Telles sont, Madame la représentante, les précisions et éléments d’information que j’ai estimé devoir porter à votre connaissance.
Et je sais déjà que, dans le cadre de la commission qui devra examiner la loi du pays qui apporte les mesures correctives, nous aurons largement l’occasion de débattre des différentes situations rencontrées et justement des mesures qui vous seront proposées au titre de ce projet de loi du pays.
Mme Tea Priscille Frogier