INTERVENTION
- Rapport : transmis le 28 mai 2019
- Lettre n° : 1309/2019/APF/SG/SAJCE/sp
- Intervenante du groupe Tavini huiraatira. : Mme Éliane TEVAHITUA
- Consigne de vote : Aucun vote
DOCUMENTS
Correspondance
Intervention
Questions écrites
SESSION ADMINISTRATIVE – 4E SÉANCE DU 06/06/2019
Rapport d’activité de la CCBF pour l’année 2018
Monsieur le président,Chers collègues,
Cette année, l’examen du rapport d’activités de la CCBF au titre de 2018 coïncide avec la publication du rapport d’observations définitives de la Chambre territoriale des comptes, sur les comptes et la gestion de l’assemblée de la Polynésie concernant les exercices 2012 à 2018.
Et nous ne pouvons faire l’impasse sur les constats et les recommandations de cette entité visant entre autres à améliorer le fonctionnement et le rôle de la CCBF.
La Chambre nous rappelle en préambule que les deux grandes fonctions dévolues à la 3 e institution du Pays sont de régler « par ses délibérations, les affaires de la Polynésie française » et de contrôler « l’action du Président et du gouvernement ».
Elle note « la prépondérance de la fonction délibérative au détriment de la fonction de contrôle » qui elle, apparaît marginale « alors que cette fonction de contrôle constitue, depuis 2016, l’un des axes de la réforme du système de gestion des finances publiques ».
Si « la fonction délibérative est assurée par 9 commissions législatives thématiques », « la fonction d’information et de contrôle relève de 11 commissions » c’est-à-dire des commissions législatives, de la CCBF et depuis 2017, de la commission d’évaluation des politiques publiques.
Le moins que nous aurions attendu de ces 11 commissions de contrôle est qu’elles exercent autant leur pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale que leur fonction délibérative. Mais ce n’est pas le cas.
L’assemblée donne parfois l’impression d’être une simple chambre d’enregistrement des projets du gouvernement hormis les interventions des groupes d’opposition.
Et nous espérons que le déplacement récent à l’Assemblée nationale des présidents de l’assemblée et des groupes politiques aboutira sur des réformes internes renforçant ces pouvoirs de contrôle, surtout au niveau de la commission d’évaluation des politiques publiques. Pour en revenir à la CCBF, son existence est inscrite dans l’article 129-1 de la loi organique statutaire de 2007 avec « pour objectif de développer les fonctions de contrôle de l’assemblée et d’améliorer le suivi de l’exécution budgétaire ». Pour remplir sa fonction de contrôle, les neuf membres titulaires de la CCBF n’émettent que des avis « sur des aides et subventions limitativement énumérées » qui « ne lui sont transmises qu’à partir d’un certain seuil financier, ce qui limite defacto singulièrement la portée de son action » remarque la CTC.
De plus, cet avis « ne lie pas l’exécutif qui peut passer outre sans qu’il soit nécessaire de motiver sa décision » ; ce qui fait que la portée des décisions de la CCBF est limitée. La Chambre remarque qu’au fil des ans, le périmètre d’action de la CCBF est devenu de plus en plus limité car certaines de ses attributions, prévues dans la loi organique de 2007, lui avaient été progressivement retirées par la loi du pays du 24 août 2009, par la loi organique du 1er août 2011. par la loi du pays du 22 mai 2012, puis en 2017, le seuil déterminant les aides aux associations a été relevé de 500 000 à 1 000 000.
Ce relèvement de seuil est de nature « à soustraire une part des informations relatives aux aides publiques attribuées ».
C’est pourquoi la CTC estime que la CCBF apparaît « davantage comme un outil de recueil d’informations parcellaires qu’une entité de contrôle de l’action du Président et du gouvernement. »
En vertu de ces nombreux coups de canif à son pouvoir de contrôle, la Chambre préconise de réformer la commission car le niveau de risques n’est pas le même entre « les aides allouées dans le cadre de dispositifs réglementaires, à la suite d’une instruction par les services du Pays » et « les subventions de fonctionnement aux associations ».
Par ailleurs, la Chambre note que « les contrôles sur les aides financières et les garanties d’emprunt ne portent que sur les personnes morales, ce qui exonère de tout contrôle les flux financiers en direction des personnes physiques, telles que les détenteurs de patentes ».
Ainsi, sa première recommandation sur les comptes et la gestion de l’assemblée est de « Renforcer le rôle de la CCBF dans le cadre d’une analyse des risques ».
La balle est dans votre camp. Monsieur le président de notre institution, pour améliorer le fonctionnement de cette commission de contrôle budgétaire et financier avec les conseils bienveillants des présidents de groupe politique à l’assemblée, car nous ne pouvons laisser reposer sur les épaules de la présidente actuelle de la CCBF la responsabilité du caractère limité du périmètre d’action de cette commission.
Pour en revenir à ce bilan pour l’année 2018 de la CCBF, celle-ci a tenu 30 réunions et avisé 612 projets d’arrêté portant sur un montant total de 32 milliards F CFP. Bien que le nombre de saisines soit quasi identique à 2017, la masse financière globale a, par contre, quasiment doublé en passant de 17 à 32 milliards. Parmi ces 32 milliards, les aides aux sociétés ont été multipliées par 5 entre 2017 et 2018, passant de 4 à 19 milliards en raison principalement des aides financières en défiscalisation accordées aux sociétés éligibles.
A contrario, les aides non soumises à la CCBF sont passées de 308 arrêtés en 2016 à 788 en 2018 pour des montants globaux passant de 346 millions à 879 millions. Leur nombre et leur montant ont plus que doublé en deux ans, confirmant une fois de plus, comme le note la CTC, le champ de contrôle limité de la CCBF.
Néanmoins, l’information des membres de la CCBF sur ces personnes morales bénéficiaires s’est nettement améliorée, passant de 70 % des dossiers en 2016 à 94% en 2018. Examinons dès à présent les quatre domaines où la CCBF exerce entièrement son contrôle sur les actes du gouvernement. Il s’agit en premier des aides financières aux personnes morales.
Par personnes morales, on entend les sociétés privées dont les Sem, les établissements publics et parapublics. les communes et les associations. Si le nombre d’arrêtés est moindre en 2018 avec 545 arrêtés contre 560 en 2017, par contre le montant global de ces aides a plus que doublé, passant de 13 milliards en 2017 à 31 milliards en 2018.
On pourrait s’interroger sur le nombre d’emplois salariés qui ont été créés en 2018 suite à l’affectation de cette manne financière de 31 milliards.
D’ores et déjà, ce que l’on peut dire, les grands gagnants de cette manne d’argent public en 2018 sont les sociétés privées avec une dotation de 19 milliards contre 4 milliards en 2017. Sur ces 19 milliards, les sociétés éligibles à la défiscalisation obtiennent à elles seules un avantage fiscal de 16 milliards alors qu’elles ne bénéficiaient que de près de 2 milliards en 2017.
Quand l’actualité nous ramène régulièrement à des fraudes à la défiscalisation par émission de fausses factures, on peut s’interroger sur les précautions prises par le Pays pour ne pas être lésé. Quant aux Sem (TNTV, Sofidep, Tep, Abattage de Tahiti, Assainissement des eaux de Tahiti), elles ont été financées à hauteur de 2 milliards, dont 1 milliard a été alloué à TNTV et 650 millions à la Tep.
D’année en année, ces Sem viennent demander des aides au Pays.
On pourrait se demander : quand elles seront financièrement autonomes ?
La CCBF assure également le contrôle des participations du Pays au capital de 14 Sem et de 10 sociétés. Mais aucun projet d’arrêté n’est à noter en 2018. En matière de garanties d’emprunt, le Pays garantissait 4,7 milliards au 1er janvier 2018. Mais au 31 décembre 2018, quatre opérations d’emprunt vont porter à 13 milliards les garanties d’emprunt accordées par le Pays.
Cela fait beaucoup. En matière de contrôle des opérations immobilières du Pays, la CCBF a instruit 26 projets d’acquisitions de biens immobiliers pour 1 milliard parmi lesquels je retiendrai l’acquisition de l’atoll de Taiaro dans la réserve de biosphère de Fakarava pour 341 millions, votée à l’unanimité des membres de la CCBF.
Quant au contrôle des nominations des chefs d’établissements publics territoriaux, le Tavini Huiraatira dénonce à chaque fois le peu de cadres polynésiens à la tête des collègues et lycées d’enseignement dû au fait que les cadres polynésiens qui suivent les trois ans de formation en France n’ont aucune garantie de revenir au pays ; ce qui les dissuade de faire cette formation.
Je terminerai en affirmant l’excellente convivialité de cette commission, sous la houlette bienveillante de sa présidente qui mérite, à mon sens, d’être dotée de plus de moyens de contrôle pour remplir convenablement ses missions.
Mme Éliane TEVAHITUA